jeudi 8 novembre 2012

Multiculturalisme : la boucane à Boucar Diouf

Boucar Diouf, héros de l'interculturalisme, le regard fixé sur la promesse des lendemains qui chantent.
Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse.
Les sociétés primitives vivent dans l'enchantement. La plus grande partie de l'aventure humaine se déroule sous la domination de l'au-delà sur l'ici-bas. Après une évolution aussi longue que complexe surviennent, en Occident d'abord, les révolutions modernes et le «désenchantement du monde (Max Weber)». Les idéologies agissent désormais comme formes de représentation du monde. Elles aspirent à cacher le réel divisé, à fondre tous les discours en un.

Les idéologies doivent être largement diffusées. Leurs adeptes n'hésitent pas à recourir aux médias de masse et à la figure mythique du héros. Il est fascinant d'observer le processus par lequel une vedette est fabriquée. Que ce soit le self-made-man et le cow-boy sur la frontière américaine, le maoïste Lei Feng, le nazi Horst Wessel ou le personnage de Maria Chapdelaine, le héros vertueux parvient à s'extraire de ses origines modestes pour se hisser au panthéon de la nation. Il n'est pas rare que le héros meurt jeune. Il ne risque donc plus de contrevenir à l'idéal qu'on s'en fait.

Le multiculturalisme/interculturalisme est l'idéologie dominante à notre époque. Les divisions habituelles gauche-droite ou fédéraliste-souverainiste se brouillent à son contact. C'est l'union d'une droite libertarienne et d'une certaine gauche préférant les droits des minorités à la défense des travailleurs. Son propagandiste régional, l'homme par qui il se «vend» à Rimouski, est nul autre que Boucar Diouf. Ce «héros» festif quitta son papa polygame afin d'étudier en océanographie, puis d'enseigner à l'UQAR. Le virage pluraliste de notre société fut cependant son véritable tremplin vers l'humour et l'animation. Un succès d'intégration que nous célébrons tambours et trompettes par esprit d'ouverture. L'ex-berger exerce sur son auditoire le magnétisme du pasteur. Dois-je préciser combien notre homme charismatique aime se trouver sous les projecteurs?

Le vernis de notre héros postmoderne craque quand, par les mêmes choix individuels qui le firent quitter l'Afrique, il lâche l'utopie que nous lui réservions. En déménageant comme tant d'autres à Montréal (87% des nouveaux arrivants), il symbolise mieux que quiconque l'échec de la régionalisation de l'immigration. Le discours des bien-pensants en prend alors pour son grade. L'envie est forte de s'écrier: «show de boucane, Diouf!»

Mon athéisme boucarien tient aussi à quelque chose de plus existentiel. Si l'artiste use de lieux communs, multiplie les bons sentiments et sait reconnaître une majorité francophone avec son histoire et sa mémoire propres pour flatter son public, il s'est associé à un modèle d'intégration chartiste. L''interculturalisme de Bouchard-Taylor refuse d'accorder à la société d'accueil ce qu'elle a toujours été: une culture de convergence. Pourquoi aurions-nous besoin aujourd'hui d'une copie à peu près conforme du multiculturalisme canadien? Comme si le vieux Canada français à Rimouski n'avait pas un jour intégré les Collins, McKinnon, Ross, Wells et Yockell. Halte à la judiciarisation des rapports sociaux!

Article paru sur le site Internet du quotidien Le Soleil de Québec, sous la rubrique «Points de vue», le 7 novembre 2012.

Lecture suggérée

Le Soleil publia le 6 novembre 2008 un texte de Boucar Diouf («Obama est-il vraiment un Noir?») où il s'échine à mesurer la proportion de «sang noir» et de «sang blanc» chez le nouveau président des États-Unis.

Noir-Blanc ou Blanc-Noir, peu importe, la plume de Diouf trempe alors dans l'encre du racisme. Il écrit notamment: «Mon propre fils est métis et je ne veux pas qu'on lui mette dans la tête qu'il est juste un Noir.»

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