jeudi 26 février 2015

La minorité tire encore vers elle la majorité à Metis Beach

Plus de 900 000 Québécois, très majoritairement francophones, émigrèrent aux États-Unis entre 1840 et 1930. Que reste-t-il aujourd'hui de la présence canadienne-française en Nouvelle-Angleterre? Bien peu de traces à dire vrai. Le seigneur John McNider(1) installa à compter de 1817 une poignée d'Écossais (150-200) à Métis, au milieu des Canadiens français. Que conservons-nous de cette enclave aux portes de la Gaspésie touristique? Tout! Je m'explique. Cet «apartheid réussi» se voit aussi bien à travers l'histoire, l'éducation, la politique que la botanique!

Un passé qui ne passe pas
La nationalisation de l'électricité représente certainement une étape cruciale de l'émancipation économique des Québécois francophones. George Carlyle Marler(2) (1901-1981) était le chef de file des opposants à ce projet phare de René Lévesque dans une famille libérale alors dirigée par Jean Lesage. Après le fameux «Lac-à-l'Épaule» des 4 et 5 septembre 1962, le gentleman de Westmount alla «digérer sa défaite(3)» à sa résidence secondaire de... Metis Beach!

George Carlyle Marler
Source: Collection Assemblée nationale

En éducation
Deux écoles primaires de la Commission scolaire des Phares n'ont pu échapper à la fermeture définitive en 2015: Padoue et Sainte-Jeanne-d'Arc(4). Euclide-Fournier de Saint-Charles-Garnier cessa d'exister officiellement le 1er juillet 2012. La journaliste Sonia Lévesque rapportait que le Mistral à Mont-Joli a perdu 1200 de ses 2000 élèves en une trentaine d'années (L'Information, Mont-Joli, 28 août 2013, page 3). 

Pendant ce temps, Metis Beach School, construite au départ pour une vingtaine de jeunes, en accueille 78, en prévoit déjà une centaine et se répand. Le directeur adjoint et enseignant Mark Lyth affirme: «Notre étendue est beaucoup plus grande, et puis l'attitude aussi a changé par rapport à l'anglais(5)».

Pour rehausser le confort des élèves «angloïdes», le ministère de l'Éducation a étudié une demande d'agrandissement(6) de cinq millions de dollars. Nous sûmes l'été suivant que le projet, évalué désormais à sept millions(7), fut retenu(8). Pour la durée des travaux, les jeunes anglophones en expansion occupent les locaux désaffectés du français à Sainte-Jeanne-d'Arc. L'anglais prend Jeanne d'Arc. Pauvre de nous!

Restons vigilants. J'estime que pareilles tendances devraient susciter des interrogations au sein de la population. Pourquoi la minorité anglo-québécoise tire-t-elle encore et toujours vers elle la majorité? 

Le «privilège anglais» s'observe du primaire au doctorat. 33 professeurs québécois signèrent le 22 février 2013 dans La Presse une lettre intitulée: «Les universités anglophones financées démesurément(9)». Elles drainent 29% de l'ensemble des revenus alloués à l'enseignement supérieur alors que les Québécois de langue maternelle anglaise représentent à peine 8% des citoyens. Pensez-y: quel avenir peut avoir l'école française en Amérique si l'hypothèque coloniale perdure?


Metis Beach School
L'architecture moderne de la nouvelle «ambassade britannique» en sol bas-laurentien
semble tout droit sortie de Buffet froid, le film de Bertrand Blier.
Source: Ville de Métis-sur-Mer
 
«Bonjour-hi-iser» l'espace public
Pascal Bérubé est le député local soi-disant nationaliste. Il évite de se mouiller en saluant sur les médias sociaux le «dynamisme» des anglophones (Twitter, 24 septembre 2013). Il ambitionne d'ailleurs de s'acheter une belle demeure près de Metis Beach afin de vivre parmi eux (L'Avantage, Rimouski, 14 juillet 2015). Surtout, le politicien guette le moindre mouvement de l'opinion sur son iPhone et l'épouse même quand celui-ci va à l'encontre de l'esprit de la Loi 101. «Un Québec aussi français que l'Ontario est anglais (gouvernement du Parti québécois, 1977)», ça te dit encore de quoi, Pascal? 

Mon député-touriste affirme que tous les Québécois devraient maîtriser la langue de Walt Disney(10). Ce souhait inclut les travailleurs qui n'en ont pas besoin. Ainsi, le «bilingue» deviendrait vite, quoique brièvement, l'idiome commun des Québécois. Le nouvel ordre ne saurait perdurer, attendu que placer les deux langues sur le même pied revient à mettre les deux pieds sur notre langue infiniment minoritaire (2%) en Amérique du Nord. L'anglais s'imposant partout, pourquoi un immigrant allophone tâcherait-il d'apprendre le français à Rimouski?

[S]i chacun devient complètement bilingue dans un pays bilingue, l'une des langues sera superflue. 
Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Livre I: Les langues officielles, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, page 12.

Villa Reford 1, Maison Gilles-Vigneault 0
J'ai toujours habité ce coin de pays, à part six années passées à Sherbrooke et à Montréal. D'aussi loin que je me souvienne, il ne s'est jamais écoulé 12 mois sans que nos bons médias ne rapportent une nouvelle subvention de l'État québécois - libéral ou péquiste - aux Gardens du seigneur Alexander ''de'' Reford». Comment comprendre alors que l'octroi de quelques piastres à la restauration et à la reconversion de l'humble maison natale de Gilles Vigneault soulève un tollé chez les contribuables québécois?(11) Je suggère que le Rhodésien de Métis raconte au Canayen de Natashquan le secret de son succès, car ici-bas, manifestement, l'austérité n'existe pas pour tout le monde!

Conclusion
Les Britanniques de Metis Beach conservent une mentalité insulaire. Dans un monde aux ressources limitées, ils sont passés maîtres dans l'art de tirer la couverture à eux. Qu'attendons-nous pour réagir?

Texte remanié d'un article publié le 15 août 2017 dans L'aut'journal. Le Mouvement Québec français l'a repris sur son site Web.

Maison natale de Gilles Vigneault
Source: Répertoire du patrimoine culturel du Québec


Une minorité aristocratique

La ministre Christine St-Pierre annonce une autre subvention, cette fois-là de 1,4 M $,
pour la mise aux normes de la Villa Estevan (Reford) et la restauration de la maison du gardien.
Photo: Sonia Lévesque/L'Information/Agence QMI, 28 juin 2012.


Villa Estevan à Métis-sur-Mer,
symbole de la haute bourgeoisie anglophone
Source: Répertoire du patrimoine culturel du Québec


Le domaine du planteur dans le Sud esclavagiste
soutient la comparaison.
Photo: Evergreen Plantation, Louisiane


  










  
 








Références

(1) Québec, Culture et Communications, «McNider, John», Répertoire du patrimoine culturel du Québec, [En ligne] https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=9505&type=pge#.WVO8dLjlcSU (Page consultée le 22 juillet 2021). Wikipedia, «John MacNider», [En ligne] https://en.wikipedia.org/wiki/John_MacNider (Page consultée le 22 juillet 2021).

(2) Québec, Assemblée nationale du Québec, «George Carlyle MARLER (1901-1981)», [En ligne] http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/marler-george-carlyle-4347/biographie.html (Page consultée le 22 juillet 2021).

(3) Pierre Godin, Daniel Johnson. 1946-1964. La passion du pouvoir, Montréal, Éditions de L'Homme, 1980, p. 314.

(4) Jennifer Boudreau, «L'avenir des écoles de Padoue et de Sainte-Jeanne-d'Arc se joue lundi soir», ICI.Radio-Canada, 23 novembre 2015, [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/751290/fermeture-ecoles-padoue-sainte-jeanne-darc (Page consultée le 22 juillet 2021). Sébastien Desrosiers, «Padoue et Sainte-Jeanne-d'Arc disent adieu à leur école», ICIRadio-Canada, 24 novembre 2015, [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/751466/padoue-sainte-jeanne-darc-fermeture-ecoles (Page consultée le 22 juillet 2021).

(5) «Metis Beach School gagne en popularité», ICIRadio-Canada, 24 septembre 2013, [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/633572/popularite-metis-beach-school (Page consultée le 22 juillet 2021).

(6) «L'école anglophone à Métis-sur-Mer victime de sa popularité», ICIRadio-Canada, 13 novembre 2014, [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/693641/ecole-metis-beach-eleves-nombreux (Page consultée le 22 juillet 2021).

(7) «7 M$ pour l'école Métis Beach Intermediate», ICIRadio-Canada, 9 octobre 2015. [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/743461/ecole-metis-beach-agrandissement-argent-quebec-millions (Page consultée le 22 juillet 2021).

(8) «Feu vert pour le projet d'agrandissement de l'école anglophone à Métis-sur-Mer», ICIRadio-Canada, 8 juillet 2015. [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/728966/metis-beach-ecole-projet-agrandissement-retenu (Page consultée le 22 juillet 2021).

(9) Collectif de professeurs d'université, «Les universités anglophones financées démesurément», La Presse, 22 février 2013, [En ligne] https://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201302/22/01-4624566-les-universites-anglophones-financees-demesurement.php (Page consultée le 22 juillet 2021).

(10) Pierre Cayouette et Marco Fortier, «Par ici la relève!», L'actualité, 21 novembre 2011, [En ligne] https://lactualite.com/politique/par-ici-la-releve/ (Page consultée le 22 juillet 2021).

(11) Alexandre Cantin, «Natashquan: la maison d'enfance de Gilles Vigneault pourra finalement être rénovée». Le Journal de Québec, 28 juin 2018, [En ligne] https://www.journaldequebec.com/2018/06/28/natashquan-la-maison-denfance-de-gilles-vigneault-pourra-finalement-etre-renovee (Page consultée le 11 février 2022).

Voir aussi

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